« Quasiment tous conspis », vraiment ?

[Parmi les plusieurs centaines de sabotages d’infrastructures de télécommunication qui se produisent depuis 2018, il est par nature impossible de savoir qui a pu les commettre, sans compter que n’ayant pas une mentalité policière ce qui ? ne nous intéresse pas, a fortiori lorsqu’ils ont volontairement choisi de ne pas laisser de message derrière eux.
Par contre, sur la petite partie de personnes arrêtées, il y a bien entendu eu plusieurs fachos et réactionnaires comme la personne de l’Isère en avril 2021 ; un quinquagénaire « anti-5G mais pas anti-fibre optique » dans la Drôme en mars 2021 ; les deux moines intégristes du Rhône ce mois-ci ou le récent illuminé parisien carrément conspi, accusé du sabotage de 26 antennes (voir ci-dessous) ; mais également toute une diversité comme les accusés mutiques de Douai en juillet 2020, à part un bref « je suis contre la 5G, qui a des effets néfastes pour la santé et l’environnement », et chez lesquels les flics avaient retrouvé du matos d’agitation « antifasciste et anarchiste » ; un petit groupe de cinq gilets jaunes qui s’en prenait « à tout ce qui touche à l’État » dont une antenne-relais en Dordogne condamnés en mars 2021 ; un autre groupe de quatorze gilets jaunes accusés de l’incendie de neuf antennes en Alsace en septembre 2020 ; deux amis dont l’un a dénoncé «  le côté néfaste de la 5G sur la santé et sur les animaux » au procès et condamnés dans le Jura en juillet 2020 ;  les trois personnes de gôche accusées dans le Limousin en juin 2021 ; les deux amis dont l’un tendance citoyen-écolo arrêtés dans les Alpes-maritimes en juin 2020 ; bien sûr le compagnon anarchiste Boris incarcéré en septembre 2020 suite à un sabotage anonyme dans le Jura dont il a pris la responsabilité après son arrestation, et actuellement dans le coma suite à un incendie de cellule ; un gilet jaune incarcéré en juin 2019 dans le Var pour plusieurs incendies (radars, station service) dont deux antennes et dont on ne sait rien ; les trois personnes incarcérées dans les Alpes-de-Haute-Provence en avril 2019 suite à des sabotages contre des infrastructures d’énergie ou de téléphonie, et dont on ne sait rien ; ou encore ces quatre gilets jaunes de la Nièvre qui avaient cramé quatre armoires et huit pylônes de téléphonie, condamnés en décembre 2019, et dont l’un repassait seul en septembre 2021 pour deux armoires et deux antennes (voir ci-dessous).
Alors assez d’ « ineptie idéologique » qui projette et reprend à bon compte les catégories de l’Etat contre une lutte en cours, et que chacun chacune agisse de la manière qui lui semble la plus adéquate… et pour ses propres raisons, évidemment !]


Un homme de 37 ans jugé coupable d’avoir incendié des installations téléphoniques dans le Cher et la Nièvre avec des cocktails Molotov
Le Berry Républicain, 22 septembre 2021

Un homme de 37 ans a été jugé coupable ce mercredi, par le tribunal correctionnel de Bourges, d’avoir détruit plusieurs installations de téléphonie mobile en les incendiant au cocktail Molotov.

Le tribunal l’a condamné à un an de prison avec sursis. Et a prononcé la confusion de cette peine avec une première – quatre ans d’emprisonnement avec sursis et 3.000 euros d’amende – prononcée pour des faits similaires, mais commis en réunion, par le tribunal correctionnel de Nevers (Nièvre), en décembre 2019.

Il devra en outre verser plus de 15.000 euros aux opérateurs visés. Le substitut du procureur avait requis deux ans avec sursis simple et 2.000 euros d’amende.

Confondu par son ADN

Les faits s’étaient déroulés lors d’une soirée de fin novembre 2018 à Garigny, Herry, Charentonnay et Jussy-le-Chaudrier, soit dans un rayon de moins de dix kilomètres. Le prévenu s’en était pris à deux armoires de répartition téléphonique et à deux relais. Sur deux des sites, son ADN avait été retrouvé parmi les débris de cocktails Molotov confectionnés à partir de canettes de bière. Interpellé, il avait reconnu les faits.

Idem ce mercredi, à la barre. « À l’époque, j’étais en plein divorce, a-t-il avancé. C’était difficile, je buvais énormément. Je ne saurais pas dire exactement pourquoi je me suis attaqué à ces relais… »

Il a soutenu que ses agissements n’avaient « aucune portée politique », quand bien même il les avait commis au plus fort des manifestations des « gilets jaunes ».

Pour la société Bouygues, partie civile, un avocat chiffre « à plus de 7.000 euros » le préjudice subi à Herry. À Garigny, les dégâts se montent « à près de 29.000 euros », soit 36.170 euros « et 26 centimes » pour les deux sites. Son confrère, au soutien de l’entreprise Berry numérique, évalue la note à quelque 12.000 euros à Jussy-le-Chaudrier. « L’équipement détruit n’était même pas encore entré en exploitation, déplore-t-il. Il devait assurer l’accès à internet à des gens qui attendaient ça désespérément. Il leur a fallu attendre six mois de plus… »

Des dizaines de milliers d’euros de dégâts

À Charentonnay enfin, l’opérateur Orange a invoqué près de 5.000 euros de préjudice « et 150 abonnés impactés ».

Le parquet a clairement souligné l’influence du mouvement des « gilets jaunes » sur le prévenu. « Leurs manifestations ont incité des individus comme ce monsieur à commettre des actes isolés sous couvert de colère populaire, de grand changement révolutionnaire… Mais les “gilets jaunes”, aujourd’hui, ne sont pas là pour le soutenir?!

L’avocat de la défense lui a emboîté le pas. « Les “gilets jaunes”, à l’époque, fustigeaient à longueur de temps les grandes entreprises qui amassaient les profits : à leurs yeux, c’étaient les banques… et les opérateurs de téléphonique mobile, les fournisseurs d’accès à internet?! Mon client, lui, venait d’être laminé par les fameux trois “D” : divorce-dépression-dépôt de bilan. Il se débattait en plein divorce, sa mère encore jeune venait de mourir et l’entreprise familiale avait dû déposer le bilan. Alors, après quelques verres, il a cru se défouler ainsi.

L’avocat a plaidé « une erreur appartenant désormais à son passé. D’ailleurs, il a d’ores et déjà réglé l’amende infligée par le tribunal de Nevers. » Des arguments qui ont, pour partie, porté.


Anti-vaccin, il sabote 26 antennes 5G pour « sauver la France » des complots du Covid-19
actuparis, 23 septembre 2021

Lors de son audition par les enquêteurs de la Brigade criminelle, le suspect du sabotage de 26 antennes-relais 5G avait fait le lien entre la 5G et le vaccin contre le Covid-19. Un lien que le mis en cause a réaffirmé, mercredi 22 septembre 2021, lors de son procès au tribunal de Paris. L’homme, estimé « irresponsable pénalement », va être interné.

Pour le prévenu, la vaccin est « la marque de la Bête »

Si Kalo* est monté sur le toit de 26 immeubles, parfois par effraction, pour sectionner les câbles des antennes-relais qui s’y trouvaient, « c’est avec une dimension humaniste », a tenté l’avocate de l’homme âgé de 32 ans, né à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Il aurait agi pour « sauver la France et la population française », en pensant « au bien commun ».

Car l’objectif affiché du trentenaire est aussi altruiste que… complotiste : « Dieu m’a envoyé des rêves pour que j’alerte les gens sur le danger du vaccin. C’est la marque de la Bête, du démon. Les gens me prennent pour un fou, mais ils ne lisent pas la Bible. Le liquide injecté dans leur épaule va aller dans la main droite, et leur esprit va partir. »

Cette opération serait, d’après ses dires, réalisée avec l’aide de la 5G « dans la nuit du 31 octobre à Halloween », a expliqué le président de l’audience en reprenant les dires de Kalo en garde à vue. Masque sous le nez, le prévenu répète plusieurs fois « avoir fait le test de l’aimant », autre théorie complotiste répandue par les anti-vaccins. Des théories qui ont abreuvé Kalo, qui consulte de nombreux « sites, forums et réseaux sociaux » sur le sujet.

Complotiste qui a dérivé avec la pandémie de Covid-19

En plus d’en consulter, Kalo en est un animateur, avec une chaîne YouTube sur laquelle il a appelé à « débrancher la 5G » fin août, Bible à la main, en renvoyant vers son site où toutes les antennes de France sont cartographiées. Une création de site compatible avec sa vie professionnelle : informaticien en CDI dans une banque, payé plus de 2 000 euros par mois, diplômé de maths sup et de l’École centrale, propriétaire, jamais interpellé ni condamné avant son arrestation lundi pour les faits commis du 14 août au 19 septembre.

« Je ne suis pas une mauvaise personne », a répété Kalo. Il ne fait pas l’objet de mesures particulières, et semble avoir dérivé avec la pandémie de Covid-19. « Mon frère, si tu vois pas le complot depuis 2020, c’est que t’es aveugle ! Je ne suis pas un terroriste musulman qui pose des bombes comme Daech, je suis là pour désamorcer la bombe. Si la bombe explose en octobre, vous penserez à moi », a-t-il asséné à un avocat de partie civile.

Kalo insiste : il n’est ni fou, ni violent. Lorsqu’un voisin est venu à sa rencontre, attiré par du bruit sur le toit de son immeuble, l’homme s’est présenté comme un technicien Orange, sans faire preuve de violence. Forcément : « Dieu me l’interdit », a-t-il justifié. Kalo s’inquiète quand le président souligne que ces coupures d’antennes auraient pu causer une rupture d’accès aux services de secours, et se rassure quand le président précise que d’autres antennes ont pu prendre le relais. « Aucun événement grave n’a été signalé. »

Interné en hôpital psychiatrique

Sur les 26 sabotages qui lui ont été reprochés, pour moitié à Paris et les autres en région parisienne, Kalo en a reconnu neuf. Ceux pour lesquels la vidéo-surveillance a capté le passage de la voiture de son père, qu’il conduit. Les 17 autres, Kalo ne « s’en souvient pas du tout ». Et même si son téléphone a borné à côté de chacune des antennes mises hors service au moment où elles ont été déconnectées, il a continué de nier.

Lors de la perquisition de son domicile, les enquêteurs ont découvert une meuleuse, une pince coupante et d’autres outils que Kalo a reconnu avoir utilisé pour couper les câbles. « Il y a eu tellement de câbles sectionnés que Bouygues n’avait pas assez de stock pour tous les remplacer », a expliqué l’avocat de l’opérateur, partie civile avec Orange, SFR et Free.

Bouygues, dont 22 antennes ont été endommagées, a réclamé 20 000 euros de dommages et intérêts. SFR a réclamé près de 300 000 euros. Ces montants seront débattus lors d’une audience sur les intérêts civils prévue pour mars 2022. D’ici là, Kalo a pris la route d’un hôpital psychiatrique. L’expert psychiatre qui l’a examiné a conclu à une « psychose nerveuse de type paranoïaque », qui a conduit à l’abolition de son discernement au moment des faits. Pénalement irresponsable, Kalo va être interné pour une durée décidée par l’hôpital et par le JLD, juge des libertés et de la détention. Si le plan machiavélique de « la Bête » n’a pas lieu le 31 octobre, ce qui est plutôt probable, il pourrait « ne plus y avoir de trouble mental ».

* Le prénom du mis en cause a été modifié.