Munich (Allemagne) : le train-usine n’a pas passé la nuit

Certains apprécient peu les attaques anonymes contre le pouvoir, c’est le moins qu’on puisse dire. D’un côté se trouvent les bien-pensants du mouvement révolutionnaire, eux qui ne voient que « récupération » lorsque des compagnon.nes mettent en avant les actes qui leur parlent pour les défendre. Et tout à l’opposé du spectre, se nichent par exemple les flics de Munich, eux qui ont dû créer en 2023 un groupe d’enquête spécial nommé « Raute », dépendant du service de la Protection de l’État (Staatsschutz), afin de tenter d’élucider une trentaine d’incendies volontaires n’ayant laissé aucun indice textuel. Soit autant de sabotages contre des infrastructures de communication, d’énergie, de transport et de guerre *, dont deux ont notamment fait l’objet de perquisitions par la police allemande contre des compagnons à Bruxelles et Amsterdam, en mai dernier.

Après quelques mois de répit, les larbins du bon ordre bavarois espéraient pouvoir enfin lézarder au soleil estival, mais c’était sans compter sur le retour des fantômes qui hantent leurs nuits blanches. A Oberhaching, petite commune située au sud de Munich, stationnait un train-usine de 200 mètres de long, chargé de remplacer le ballast des voies entre les gares de banlieue (S-Bahn) de Deisenhofen et de Solln. Une belle entreprise civilisationnelle qui a été ruinée mercredi 31 juillet vers 4h du matin, quand plusieurs engins incendiaires ont été judicieusement placés pour le dévorer par les flammes. Les dégâts du sabotage sont estimés à environ 500.000 euros, soit « une somme à six chiffres dans le milieu de la fourchette », comme on dit dans le langage bureaucratique des uniformes. Notamment parce que le coûteux serpent d’acier composé de deux chaînes d’excavation et de trois systèmes de tamis est désormais hors d’usage, et qu’une partie a dû être démontée sur place.


En plus des pompiers
qui sont intervenus après avoir été alertés par un brave citoyen, d’importantes forces de la police munichoise et fédérale –cette dernière avec un hélicoptère pour traquer en vain les auteurs–, ont été dépêchées sur le lieu de l’attaque. Les pompiers ont également fouillé l’ensemble du train de chantier avec des caméras thermiques, en quête d’autres foyers d’incendie, et d’éventuels engins ayant fait long feu à délivrer au groupe d’enquête « Raute », qui était bien entendu de la partie.

Ils ont immédiatement exclu une défaillance technique, tandis que la Deutsche Bahn (DB, compagnie ferroviaire nationale allemande) n’a pas souhaité s’exprimer en s’abritant derrière les investigations en cours, d’autant plus que plane l’hypothèse « d’un incendie criminel à motivation politique ». En consultant leurs petits papiers, les enquêteurs de « Raute » se sont d’ailleurs rappelés qu’entre un sabotage de fibre optique, d’antennes-relais, d’engins de chantier, d’usine d’extraction de gravier ou de pipe-line de géothermie dans la région, une attaque similaire s’était déjà produite à l’automne dernier. Le 28 octobre 2023, un train de travaux muni d’une grue ferroviaire avait en effet déjà été incendié à Unterföhring, cette fois dans la banlieue nord de Munich.

Quant aux mystérieuses raisons et perspectives des fantômes, peut-être vaut-il la peine de donner en miroir la parole à un responsable de ce train-usine (de l’entreprise GTU Mobility), qui a donné celles de ne pas s’en prendre à lui : « Il s’agit de bien plus qu’une simple attaque contre un chantier de construction : c’est une attaque contre notre avenir commun. Le rail est l’épine dorsale de notre économie et de notre vie quotidienne »

[Synthèse des journaux régionaux bavarois (OVB & Merkur), 2 septembre 2024]

* Ndt : On peut trouver un aperçu détaillé de cette trentaine de sabotages dans l’article « Les fantômes continuent de hanter la nuit », publié ici en juin 2024.