San Antonio (Chili) : feu aux entreprises de ciment le long du fleuve Maipo

[Samedi 3 août vers 21h50 à San Antonio, dans la région chilienne de Valparaíso, s’est produite une double attaque incendiaire contre une cimenterie et une entreprise de granulats qui dévastent les rives du fleuve Maipo. Plus d’une centaine de pompiers ont dû accourir sur place pour tenter d’éteindre les dix foyers d’incendies qui consumaient camions-toupie et installations des bétonneurs. Ce sabotage a été revendiqué le lendemain par la « Cellule insurrectionnelle pour le Maipo/Nouvelle Subversion » (Célula insurreccional por el Maipo. Nueva Subversión), à travers un communiqué publié sur informativoanarquista, dont nous livrons une traduction de l’espagnol ci-dessous.]


Campagne Switch Off! Revendication de l’attaque incendiaire contre des cimenteries « Melón » et « Áridos Río Maipo » (3 août. Secteur San Juan de Llolleo, région de Valparaíso, Chili)

« Nous sommes les tas de gravats et les grains de sable dans les engrenages d’une machine qui avance inexorablement à un rythme effréné. Nous sommes les facteurs perturbateurs dans la salle des machines »
Groupe Volcan

La nuit du samedi 3 août, accompagnés des forces du fleuve, nous avons décidé d’attaquer la cimenterie Melón et l’entreprise Áridos Río Maipo S.A. situées près de l’embouchure du fleuve Maipo. Nous avons tenté de paralyser le fonctionnement de ces deux entreprises en pénétrant dans leurs locaux et en mettant le feu à leurs lignes de production, à leur logistique et à leurs bureaux administratifs en y plaçant 10 engins incendiaires, ce qui a conduit à la destruction totale de leurs installations. Nous avons ainsi consolidé notre troisième acte de sabotage* en causant des dommages importants aux entreprises qui détériorent et menacent la vie le long du fleuve Maipo, en leur restituant une partie des dégâts qu’elles ont causés pendant des décennies à la terre et à l’environnement où elles opèrent, afin de contribuer à la lutte contre la dévastation. À la destruction de la terre et de nos vies, il n’est digne que de répondre par la destruction totale de ce qui les détruit.

Dans ce secteur, comme sur d’autres parties du fleuve, l’activité d’extraction de ciment et de granulats entraîne le sacrifice écologique et la dégradation des communautés qui vivent dans la zone, devenant ainsi une autre zone empoisonnée (il y a au total 4 entreprises de béton, de ciment et de granulats qui opèrent dans la zone), Cela n’a pas laissé indifférente la population locale, qui a déjà manifesté contre les effets causés par le fonctionnement de cette activité industrielle néfaste, bien que ce soit au-delà de ce conflit particulier que nous y participons à présent, en mettant en pratique notre engagement dans la violence révolutionnaire anarchiste, en tant que méthode concrète et nécessaire pour l’intensification du conflit pour la terre et la libération totale.

Melón est une entreprise de ciment qui opère au Chili et qui est actuellement aux mains d’un puissant conglomérat d’entreprises péruviennes (Grupo Breca, propriété de la famille Brescia-Cafferata), qui a l’intention d’étendre son activité d’exploitation de la terre dans tout le sud d’Abya Yala [nom du territoire américain avant la colonisation européenne], en ajoutant cette activité aux autres secteurs économiques dans lesquels il opère déjà.

A ses côtés, l’entreprise de granulats Maestranza y Planta de Áridos Rio Maipo S.A. opère activement dans le secteur du fleuve Maipo dans les communes de Santo Domingo et San Antonio (région de Valparaíso), non sans avoir essayé de s’implanter dans la commune de Navidad (Rancagua, région VI), en y commençant ses activités sans même compter sur l’approbation de la Commission d’évaluation de l’impact environnemental de la région, montrant son indifférence totale aux effets néfastes de l’exploitation de la terre et des fleuves.

Outre ces deux entreprises attaquées, il existe deux autres usines de béton/ciment dans la région, dont Cementos San Juan appartenant à la multinationale UNACEM, qui dévaste également la terre dans plusieurs pays d’Abya Yala (États-Unis, Équateur, Chili, Pérou et Colombie).

L’impact environnemental de ces deux activités [ciment et granulats] est bien connu : elles provoquent la dégradation des rivières et la pollution de l’environnement, tout en portant atteinte à la vie et aux écosystèmes des milieux dans lesquels elles opèrent. Ce n’est pas pour rien que dans d’autres territoires du premier monde, modèles auxquels certains aspirent tant, l’extraction de granulats dans les bassins hydrographiques est interdite. L’extraction de granulats et de minéraux sur les rives des fleuves endommage en effet leur cours et leur vitesse, en générant des dolines qui se reproduisent en amont par effet domino (phénomène appelé érosion rétrograde), en détruisant la flore et la faune qui les habitent et en préparant le terrain pour des inondations alluviales et autres phénomènes similaires.

L’impact de la production de ciment n’est pas négligeable, puisqu’il représente environ 7 % des émissions mondiales de CO² (soit trois fois plus que le trafic aérien, en étant la troisième industrie la plus polluante). En outre, toutes ces quantités absurdement énormes de ciment produites quotidiennement dans le monde (dont environ 150 tonnes par seconde sont consommées) sont générées à partir de matières premières telles que le sable, le gravier et les pierres prélevées dans les bassins fluviaux ou par forage lors d’exploitation minière, tandis que de vastes étendues de plages sont rasées et dévorées pour en extraire le sable nécessaire.

Ces industries existent pour faire proliférer le modèle de vie civilisé actuel, où le ciment s’impose chaque jour sur davantage de terres, en les écrasant et les ensevelissant, en érigeant d’énormes constructions après le déplacement ou la destruction de l’habitat de la faune et de la flore qui donnent vie aux écosystèmes, et cela sans jamais s’arrêter, en étendant les villes toujours plus en longueur et en hauteur, dévastant ainsi l’aspect naturel du territoire, où les parcs sont beaux mais ne sont qu’une simple bulle fonctionnelle à la ville au milieu de toute la merde cimentée. L’eau de pluie ne s’écoule pas correctement dans le sol, la chaleur de la ville de béton est suffocante, et il n’y a plus de terre à planter. Tout n’est plus que ciment, et c’est pour l’entretenir et le produire que ces industries extractives et destructrices de l’environnement sont nécessaires. Ce mode de vie gris et opaque a de graves conséquences, et nous n’y sommes pas indifférents.

Vu que ces entreprises font partie de la vaste machinerie extractiviste présente dans le monde entier et qu’elles transforment spécifiquement l’ensemble d’Abya Yala en une zone sacrifiée ; que l’exploitation de la terre est une artère vitale de la domination ; que l’activité industrielle responsable du changement climatique dû au réchauffement de la planète n’a aucun intérêt réel à mettre un terme à sa propre dévastation, mais qu’elle est déterminée à prétendre être écologique et à utiliser de nouvelles sources d’énergie qui nuisent aux écosystèmes et à nos vies ; Et surtout, conscients que nous sommes les seuls à pouvoir lutter contre l’avancée de la dévastation, nous considérons qu’il est urgent de s’attaquer à l’industrie qui détruit la terre, en ajoutant notre initiative et notre action à la campagne internationaliste Switch Off ! dont nous avons parlé dans un texte précédent intitulé « Le conflit d’Abya Yala et sa proximité avec la campagne internationaliste « Switch Off ! Paroles anarchiques sur la nécessaire lutte pour la terre »**.

Switch Off! les cimenteries et l’extraction de granulats !
Switch Off! le monde de la dévastation et le système de destruction !

Que ce feu soit une étreinte pour les compagnon.nes qui ont porté des coups dans d’autres territoires du monde, comme les attaques en Allemagne contre les cimenteries de HeidelbergMaterials AG et Cemex [voir ici en mars 2024 et là en décembre 2023], les compagnon.nes qui sabotent les gazoducs à Mountain Valley – USA, les auteur.es des attaques contre Tesla [voir ici la longue liste], sachant que l’attaque doit être immédiate et sur tous les territoires où se trouvent les installations et les moyens des responsables de la dévastation de la planète, en contribuant au dialogue par une action directe et conflictuelle, sans aucune forme d’espoir dans les processus institutionnels ou les sauveurs. Pour celles et ceux avec qui nous nous trouvons à l’offensive, encouragement et amour <3.

Nous nous associons également à la lutte pour l’autonomie des Mapuches, qui reste donc debout malgré l’offensive colonisatrice des États chilien et argentin, répondant sans hésiter par le feu et les balles à l’industrie extractiviste.

Mais l’offensive de l’État ne s’est pas limitée au Wallmapu, et la situation répressive sur l’ensemble du territoire chilien s’est accrue par la main de la social-démocratie [arrivée au pouvoir en 2021], qui a intensifié ses politiques autoritaires et policières contre tout secteur antagoniste aux intérêts du capital et de l’État, en masquant ses actions anti-révolutionnaires sous de fausses bannières de lutte, comme l’écologie et les droits humains, ou en s’auto-désignant comme pro-« peuples indigènes » et contre la violence de genre, alors qu’il s’agit d’une arnaque dans chacun de ces domaines puisqu’elle renforce l’inverse. On le voit par exemple dans l’escalade répressive au Wallmapu, dans la condamnation disproportionnée et vindicative de notre compagnon anarchiste Francisco Solar, dans la chasse médiatique répressive contre le quartier de Villa Francia, historiquement combatif, dans la loi anti-reprises de terres qui criminalise et condamne sans discernement les occupations par les sans-abri, dans la construction de nouvelles prisons de haute sécurité, parmi tant d’autres actions évidentes menées au profit des puissants et au détriment des exploité.es et des personnes en lutte. Sans parler de la libération et l’impunité totale accordées aux ordures de policiers comme les flics Crespo et Sebastián Zamora, aux assassins en uniforme de Cristián Valdebenito et à ceux de Pablo Marchant, parmi tant d’autres cas. Notre solidarité va à toutes celles et ceux qui ont souffert des conséquences de la répression comme l’emprisonnement, la mutilation, la persécution et l’assassinat.

Tout cela est ni plus ni moins que l’oeuvre de ce gouvernement « populaire » qui était venu arrêter le « fascisme », un gouvernement commandé par celui qui, à un moment clé, a tendu la main au pouvoir pour accepter d’enterrer la révolte et arrêter toute possibilité d’escalade de la violence populaire. Étant donné que tout cela est l’œuvre de ceux qui ont eu le soutien des électeurs illusionnés des secteurs soi-disant combatifs, nous exprimons notre rejet total du silence complice, de la victimisation et de l’immobilisme des secteurs autoproclamés révolutionnaires qui ont essayé de nous convaincre que la participation à la démocratie pouvait être une bonne idée.

Nous abhorrons tous ceux qui, au nom de la lutte, soutiennent et participent activement au système électoral et à la démocratie représentative, en ne faisant que défendre la structure du régime néolibéral et policier, vu que les institutions et la justice seront toujours en faveur des gouvernants et de leurs armes répressives. Nous sommes dégoûtés par ces secteurs qui se disent « anarchistes » ou « révolutionnaires » et ont participé au spectacle électoral constituant de ce gouvernement, et qui aujourd’hui au lieu de faire une profonde autocritique ou de faire le pas décisif vers l’action offensive, se taisent après s’être mordus la langue et succombent à l’immobilisme et à des discours stériles qui ne font pas grand-chose pour mettre fin à cette réalité qui nous écrase. La seule réponse à la répression brutale, à l’emprisonnement de nos compagnon.nes, aux exécutions politiques et à l’État policier est et restera la lutte autonome et l’action directe, loin des institutions et des pièges démocratiques. On l’a déjà dit, en s’appuyant sur des siècles d’expériences historiques de lutte, et aujourd’hui, après l’avoir craché et jeté à la face des participants illusoires à la démocratie, nous le répétons encore : il n’y a rien à négocier avec l’ennemi, la seule voie est le conflit, sans demi-mesure ni tiédeur, en mettant le feu au progressisme et en menant une guerre ouverte contre toute autorité !

En ce mois d’août, chargé de la mémoire de Santiago Maldonado et de Macarena Valdés, nous continuons à marcher sur le chemin de la confrontation directe, en propageant le feu contre la dévastation, en donnant vie et continuité à la mémoire combative de nos mort.es.

Nous nous joignons également à l’appel pour une semaine internationale d’agitation en faveur de Francisco Solar [du 10 au 17 août], un compagnon actuellement enfermé par l’État chilien pour y purger 86 ans dans un régime vindicatif d’isolement cellulaire. Laissons de côté les discours victimaires et attaquons le pouvoir là où il se trouve, car c’est le seul moyen dont nous disposons pour sortir Francisco de l’isolement. Et plus ces attaques seront fortes, plus leur impact sera grand et, par conséquent, leur capacité d’incidence et d’irruption augmentera, ce qui renforcera certainement les expressions de la solidarité anarchique.

« Nous comprenons que la seule façon de rester en vie est de frapper les oppresseurs. Nous savons que le pouvoir ne tombera pas avec ces attaques, mais cela ne signifie pas que nous resterons les bras croisés. Nous frappons parce que nous n’envisageons pas la passivité citoyenne dans nos vies. Nous nous éloignons des structures formelles du combat, pour prendre en main, rassemblés par affinités, le plaisir de l’attaque.
Déclenchons les hostilités destructrices ! »
CÓMPLICES SEDICIOSOS /FRACCIÓN POR LA VENGANZA

Une accolade forte, chaleureuse et serrée à Francisco Solar, Aldo, Lucas, Mónica Caballero, Tomás, Joaquín García, Panda, Rusio, Tortuga, aux prisonniers Mapuche, aux prisonniers de Villa Francia et aux prisonnier.es anarchistes du monde. Une impulsion, un souffle, un geste et un clin d’œil, traduits en feu contre les industries de domination et de dévastation, les intégrant à ce feu expansif de libération.

Liberté immédiate pour le lonko Facundo Jones Huala, actuellement en grève de la faim sèche dans les prisons de l’Etat chilien.
Du Wallmapu à la Palestine, la résistance en armes est nécessaire contre l’occupation coloniale. Agir contre le génocide est réalisable sur tous les continents, pour détruire le colonialisme partout où il se trouve.

« Attaquons l’industrie et l’économie qui profitent du colonialisme et de la destruction de la nature et qui rendent de plus en plus impossible un futur digne d’être vécu ! »

Switch Off! Éteindre le système de destruction.
Éteins la machine. Détruis la machine.

Bau, Claudia, Mauri, Angry, tortuguita y tou.tes les anarchistes mort.es en action cheminent avec nous à travers l’offensive.

Pour l’anarchie, pour la terre, pour nos vies

Célula insurreccional por el Maipo. Nueva Subversión.


NdT :
* le groupe chilien Célula insurreccional por el Maipo/Nueva Subversión a déjà revendiqué deux autres attaques. La première du 1er octobre 2022 contre l’entreprise de graviers Baeza à Puente Alto, dont nous avions déjà traduit ici le communiqué. Et la seconde du 30 septembre 2023 à Puente Alto contre l’abattoir Faenadora y Frigorífico Cordillera (abattoir et usine de réfrigération) du groupe Dinacar, dont le communiqué peut être lu ici.
** on peut lire la traduction de cette contribution de février 2024, dans la brochure Switch off the system of destruction – Appel et communiqués (pages 28-29)