Chacun conviendra certainement que la vie d’un réverbère est plutôt chiante. Fabriqués en série dans de mornes usines, figés dans le béton et étouffant sous les pots d’échappement, couverts de slogans généralement insipides, comment voulez-vous qu’ils parviennent à reprendre leur vie en main ? D’autant plus que leurs concepteurs leur ont assigné depuis la nuit des temps la vile tâche de seconder les flics dans la préservation de la paix sociale.
Certes, il paraît que l’un d’entre eux réussit parfois à se gondoler au prix d’efforts inouïs, afin d’offrir son mât salvateur aux mains titubantes d’un humain sur le point de chuter. Tout comme il se dit qu’un autre aurait été aperçu en train de se rigidifier outre mesure en riant sous cape, afin de mieux accueillir le crâne d’un zombie absorbé par sa laisse électronique. Ou qu’un autre encore aurait préféré suicider ampoule et caméra inopportunes, plutôt que d’aider les uniformes à attraper leur proie. Mais somme toute, ces exemples restaient plutôt rares sans intervention extérieure, et les urbanistes affirmaient jusque-là qu’ils relevaient surtout de la légende, avant qu’un de ces réverbères ne décide récemment de passer à l’action du côté de Pontoise (Val-d’Oise).
Lire la suite


Face au désastre climatique qui s’emballe, la société industrielle appuie sur l’accélérateur. Transition énergétique, innovations technologiques et renouveau industriel sont appelés à la rescousse des rouages qui se grippent et des moteurs qui crachotent. Dans son sillage, le navire titanesque du progrès laisse un paysage affligeant de béton et d’acier, d’usines et de chaînes technologiques, de pollutions et de plastiques, de chimères agrochimiques et d’irradiations durables. A bord de ce navire, le confort des cabines peut être amélioré, la salle des machines réorganisée, les officiers au gouvernail remplacés, mais la liberté n’y est pas possible. Ce qui nous reste alors, c’est de l’envoyer au plus vite par le fond et oser le saut dans les eaux libres.

